CERTIFICATION OBLIGATOIRE

EN ANGLAIS POUR LES LP

CORRESPONDANCE AVEC MME LA MINISTRE AU SUJET DE LA CERTIFICATION OBLIGATOIRE EN ANGLAIS POUR LES LP

Les associations demanderesses,
À
Mme la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Objet : demande d’abrogation du pénultième alinéa de l’article 12 de l’arrêté du 6 décembre 2019, de l’article 2 et du II de l’article 4 de l’arrêté du 3 avril 2020.

Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche,

Un décret et un arrêté en date du 3 avril 2020 ont prévu : (1) que les diplômes de BTS, DUT et licence ne peuvent être délivrés que si le candidat s’est présenté à une certification en langue anglaise, quels que soient ses résultats, et (2) que cette certification doit être réalisée par un organisme extérieur aux établissements d’enseignement supérieur délivrant ces diplômes, sans obligation que cet organisme soit accrédité par l’État.

Par une décision en date du 7 juin 2022, le Conseil d’État a annulé ce décret et l’essentiel de cet arrêté, jugeant que ces deux textes sont contraires au code de l’éducation (deuxième alinéa de l’article L. 613-1) qui ne permet pas de conditionner la délivrance de diplômes nationaux à l’obligation de se présenter à une certification en langue anglaise auprès de tels organismes.

En revanche, le Conseil d’État ne juge pas recevable la demande d’annulation des dispositions relatives à la licence professionnelle (article 2 de l’arrêté et II de l’article 4 de l’arrêté du 3 avril 2020) jugeant que les dispositions de l’article 2 de l’arrêté du 3 avril 2020 sont purement confirmatives de l’obligation instaurée par l’article 12 de l’arrêté du 6 décembre 2019, lequel est toujours en vigueur.

Par conséquent, au regard de la jurisprudence de la décision du Conseil d’État et des arguments avancés par celui-ci, les associations et sociétés savantes demanderesses (Association des Chercheurs et Enseignants Didacticiens des Langues Étrangères, Association pour le Développement de l’Enseignement de l’Allemand en France, Association Française d’Études Américaines, Association Française de Linguistique Appliquée, Association Francophonie Avenir, Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur, Association des Professeurs de Langues des Instituts Universitaires de Technologie, Association pour la Recherche en Didactique et Acquisition de l’Anglais, la Fédération Nationale des Associations Étudiantes Linguistes, le Groupe d’Étude et de Recherche en Anglais Spécialité, le Groupe d’Études et de Recherche en Espagnol de Spécialité, l’Observatoire Européen du Plurilinguisme, le Rassemblement National des Centres de Langues de l’Enseignement Supérieur, la Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur, la Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur), spécialisées dans le domaine des langues, demandent l’abrogation du pénultième alinéa de l’article 12 de l’arrêté du 6 décembre 2019 portant réforme de la licence professionnelle, de l’article 2 et du II de l’article 4 de l’arrêté du 3 avril 2020 relatif à la certification en langue anglaise pour les candidats inscrits au diplôme national de licence, de licence professionnelle et au diplôme universitaire de technologie.

Plus largement, ce collectif réitère ici ses principales préventions contre l’imposition d’une certification privée en anglais dans l’ensemble de l’enseignement supérieur en France :

La mesure a, dans son ensemble, été abondamment contestée : vote défavorable au CNESER, contestation de la part de la communauté universitaire (enseignants, chercheurs, personnels et étudiants), contestation de la société civile (présidents d’associations, députés, sénateurs, présidents de région, etc.).
La seule obligation de l’anglais constitue une atteinte au plurilinguisme au sein des universités et, de ce fait, un appauvrissement des profils des étudiants s’agissant des langues vivantes, à l’heure où la diversité linguistique est fortement défendue par le Président de la République française lui-même.
Le recours obligatoire à des organismes certificateurs privés constitue un gaspillage flagrant des deniers publics, d’autant plus incompréhensible que les établissements du supérieur font face à des besoins grandissants et, à ce jour, très insuffisamment financés.
Le dessaisissement de la politique linguistique des universités au profit de sociétés privées alors même que des dispositifs publics reconnus existent, laisse supposer que les enseignants du supérieur (en dépit de leur expertise avérée) ne seraient pas compétents pour évaluer leurs étudiants, ce qui constitue un précédent fâcheux et témoigne de la méconnaissance de l’expertise scientifique développée dans le domaine des langues.

Les différents travaux développés dans le domaine de la didactique des langues tendent à montrer que, pour que les étudiant.e.s apprennent des langues, il est nécessaire qu’ils soient formés, exposés à la langue cible de façon très régulière et se sentent acteurs de leur apprentissage. Par conséquent, nous ne sommes pas opposés aux certifications, mais nous pensons que les étudiant.e.s doivent avoir la liberté d’en passer une (ou pas), de choisir la certification qui leur semble pertinente et, surtout, de choisir la langue qu’ils ou elles souhaitent voir évaluer. En outre, afin de garantir la pertinence d’une certification et que celle-ci représente un atout certain pour l’insertion socio-professionnelle des étudiants, un niveau seuil (B2) devrait être exigé en fin de licence. Dès lors, plutôt qu’une langue et une certification imposées en force et verticalement, il nous semble essentiel de réfléchir collectivement à une politique concertée d’enseignement, d’apprentissage et d’évaluation des langues dans l’enseignement supérieur français, avec la visée de développer le plurilinguisme des étudiant.e.s, dont ils et elles ont besoin, aussi bien en tant que citoyen.ne.s européen.ne.s qu’en tant que futur.e.s travailleur.euse.s.

À ce titre, notre collectif réclame l’organisation d’une réflexion collégiale sur la question des langues et du plurilinguisme dans l’enseignement supérieur français.

Danielle Joulia
Présidente de l’APLIUT
Pour l’ensemble des associations